Rendez-vous annuel entre la communauté scientifique et les gestionnaires ligériens
Le 6 novembre 2009 s’est tenu à Saint Etienne le 3e rendez-vous annuel entre la communauté scientifique et les gestionnaires ligériens. Une grand-messe qui laisse une drôle d’impression. Si le thème des interventions semble tout à fait intéressant à savoir la transmission de l’information scientifique, la manière dont les sujets sont traités est déjà un élément de réponse à la question posée. On vous assène pendant une journée entière un déluge d’interventions mortes et tronquées. Personne ne respecte le quart d’heure imparti et n’a le temps de finir ses arguments. Quelques professionnels de ce genre d’exercice font leurs illustrations surlignées au rythme de leur exposé. Un intervenant qui s’ennuyait tellement à la lecture de sa communication s’est même excusé auprès de l’assistance de son propos lénifiant. Il y a un vrai problème du passage de l’écrit à l’oral. N’est pas orateur qui veut, On a plus affaire à des lectures qu’à une parole vers une assemblée qui s’est quand même déplacée de bon matin pour venir écouter... En principe. En principe car on a l’impression comme l’a dit un « rapporteur » Emmanuel de Guillebon que personne ne s’écoute. D’ailleurs cela n’a vraiment pas grande importance puisque de toutes les façons on pourra lire les actes du colloque. Cela rappelle les « polys » des années facs. Je ne peux pas m’empêcher de penser au livre « la planète des singes » de Pierre Boulle. De temps en temps une personne dans la salle explose « je me demande ce que je suis venu faire ici, le sujet n’est pas traité ! il aurait fallut... » En fait cette personne est venue chercher une réponse à une question qu’elle s’est posée dont elle a sa réponse et aimerait l’entendre par quelqu’un d’autre, le canard se met le bec où je pense ! Les questions sont plutôt des monologues qui se croisent. Lorsque l’on parle, ce qui a été mon cas, j’ai eu l’impression que chaque mot était connoté puisque l’on parle à des gens qui savent. Et si l’on sait, pourquoi écouter. Le discours est fermé, plié vous n’avez plus qu’à reprendre le TGV dans l’autre sens. Aucune place pour l’imprévu, le chemin de traverse, la découverte, la curiosité, le doute, l’expérience, l’émotion... Vous êtes toujours ramené vers ce qui se dit d’habitude, on est dans une pensée formatée. D’ailleurs je n’arrivais même plus à me servir de cette fichue souris d’ordinateur qui ne voulait pas enchaîner mes images. J’ai eu la surprise d’entendre le rapporteur « Directeur de recherche à l’école nationale supérieure des mines » dire le contraire de ce que j’avais dit. C’est exactement ce que l’on reproche à la presse : dire n’importe quoi. Sur la forme, ces espèces d’amphis sinistres ressemblent à des punitions : Un petit orateur perdu sur une grande scène se cache derrière ses notes et cavale après l’horaire devant une assistance endormie qui ne soubresaute qu’à la vibration de son portable. Les seules interventions du « modérateur » sont des rappels au temps. J’ai le sentiment que beaucoup de scientifiques ne s’aiment pas. A la fin d’une telle réunion, j’ai un sentiment de grande frustration. J’ai l’impression d’être derrière une porte vitrée où il y aurait les gens qui trustent la « connaissance » qui savent et qui se croisent qui s’attribuent des mauvaises ou des bonnes notes, qui valident, qui se nomment, qui s’auto congratulent. Quant à la triste communication des études ligériennes d’une soit-disant société savante qui en dix ans n’a organisé qu’un seul colloque et encore quand je dis organisé... Quel gâchis, cette forme de rencontre n’est pas une fatalité. Je participe régulièrement à des manifestations littéraires ou un animateur « anime » ou les discussions s’engagent entre intervenants, les genres se mélangent et s’enrichissent, le public échange et réfléchit. Les entretiens de Milhançay par exemple initiés par Philippe Debrosse réunissent des chercheurs, des politiques, des étudiants, des paysans, des journalistes ... Lors du déjeuner, vous pouvez vous retrouver à table à côté d’Edgar Morin et un apiculteur des bords de Loire. Je me souviens d’un colloque à Copenhague « image of Africa » ou les chercheurs discutaient avec des écrivains, des musiciens autour d’un café. Quel luxe. Messieurs les chercheurs si vous voulez communiquer : laissez vos certitudes où vous les avez trouvées, sortez de vos cathédrales et venez en causer avec nous, nous sommes toutes ouies, si vous le voulez bien.
Bernard Desjeux journaliste (JNE) bcdesjeux@hotmail.com
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