L’ami Christian Pirot est mort. La nouvelle laisse perplexe. J’ai beau penser à ses enfants, à Laurence, à notre amitié, je n’arrive pas à être triste. Il n’aurait pas aimé nous faire de la peine. Je suis chamboulé, en vrac, tellement nous nous épaulions. Quel que soit le bout par lequel on l’aborde, la mort laisse un vide. Oui je sais, « Les morts ne sont pas morts... » « On se reverra là-haut ! ! ! » N’empêche, il y a un grand vide et il faut vivre avec. Je suis envahi d’une immense force, je mesure la chance que nous avons eu avec Catherine de partager un bout de route avec ce compagnon et ses amis. Vagabond pudique qui se livrait peu. Cette force nous l’entretenions lors de chaque rencontre : dans un petit café de Saint-Malo, dans un bistrot parisien à écouter de la chanson française, notre passion commune, à un concert de Moustaki ou de Gilbert Lafaille, dans les caves de Pierre Caslot à Bourgueil où se tenait une assemblée générale très particulière, il n’y avait que les comptes qui n’étaient pas ronds ! Cette force, je l’ai retrouvée parmi ses amis et sa famille lorsque nous nous sommes réunis pour une sorte de rite de passage. Lu d’une voix ferme par son ami Jean-Noël Delétang, le beau texte écrit par Christian à l’occasion des 25 ans de la maison d’édition - où il a réuni tant d’individualités - nous donne une énergie à tout casser. Il n’aimait pas les institutions, la pensée préfabriquée, la hiérarchie et les cons, nous non plus. Il aimait la vie, la bonne chère, les chansons de Bernard Dimey, Francis Lemarque, Léo Ferré, Renaud ou Bernard Lavilliers, il aimait George Sand et ceux qui écrivent avec leur cœur, les chemins de traverse, ramasser des girolles, le partage, il savait être agaçant avec ses idées fixes, nous aussi. Il a eu sa part de souffrance, il a su se donner des moments de joie. Il a su partager. Lorsque je ferme les yeux, j’entends le rire de Rabelais, la Loire et la Creuse, la batteuse de Chassignolles, les musettes du Berry, j’entends le chant tonitruant de ses amis, le silence des pages... Sur le livre de condoléances nous avons laissé, à tout hasard, cette phrase de son ami Georges Moustaki : « Je déclare l’état de bonheur permanent » Salut mon pote.
Catherine et Bernard Desjeux
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