De nombreux auteurs de qualité ont animés le salon afro caribéen d’Aix en Provence conjointement aux musiciens et comédiens.
C’est à la Bibliothèque Méjanes à la cité du livre que pendant deux jours un public attentif s’est nourri de rencontres et d’échanges. Il y eut d’abord le vendredi matin une table ronde animée par Nathalie Philippe avec Sansy Kaba Diakité et Bernard Desjeux. La conversation plus que le débat a porté sur le projet de Conakry à devenir la capitale africaine du livre après la formidable année écoulée en tant que capitale mondiale du livre sous le patronage de l’UNESCO. Une gageure réussie pour une ville qui compte peu de libraires, de livres et de lecteurs. Une dynamique semble amorcée. Le clou de la table ronde a été l’intervention de Hadja Aissatou Barry une jeune fille Guinéenne de 12 ans étonnante d’aplomb et de volonté. C’est Sansy Kaba Diakité qui a eut l’intelligence et la gentillesse de la faire venir avec une petite délégation Guinéenne afin de découvrir la France et un peu la Belgique en tant que lauréate du concours du petit journal. Hadja est en outre présidente d’associations de plus de cent membres pour la lutte contre l’excision et le mariage précoce. Son sourire rayonnant et ses yeux pétillants ont indiqué la direction et l’espoir d’un monde qui pourra compter sur cette jeunesse.
L’historien camerounais Dibombari Mbock qui vit au Canada en passant par Berlin nous gratifia de deux conférences un peu austères et sérieuses "les hiéroglyphes égyptiens et les langues africaines modernes" et le lendemain sur les " religions africaines". Je n’ai pas tout compris loin de la hélas. En gros la plupart des langues africaines en tous cas celle qui appartiennent au groupe Niger, descendent de la langue Copte, du grec ancien. Un peu comme en Europe l’italien, l’espagnol, le français, le portugais descendent du latin. Les hiéroglyphes sont des métaphores, j’ai retenu que l’ibis et Osiris y tenait une place importante. Je suis sorti rincé et j’ai mesuré l’abîme de mes ignorances.
Le lendemain après une lecture poétique de Louis-Philippe Dalembert, un trio de choc composé d’Hubert Haddad, Julien Delmaire et Yahia Belaskri a offert des poèmes accompagné par la soliste iranienne Shadi Fathi je n’ai pas retenu le nom de son instrument merveilleux ni de son tambourin.
Le samedi après-midi j’ai eu l’impression allez savoir pourquoi d’assister au concert d’un orchestre qui connait bien la musique, une sorte de big band de la littérature. Ils se connaissent par cœur, accueillent avec tendresse leur cadet l’écrivain Sénégalais M’bougar Sarr. Ils jouent sans partition, improvisent sur le thème. J’ai l’impression qu’ils poursuivent une conversation commencée il y a longtemps. Depuis leur jeunesse ou Maryse Condé était déjà en activité comme une grande sœur. Alain Mabanckou, Hubert Haddad, Yahia Belaskri, Louis Philippe d’Alembert parlent avec passion, se coupent la parole tout en restant intelligibles on sent des complices chacun avec sa personnalité ses différences, ses choix. Alors "engagé ou engageant" comme disait l’écrivain Sony Labou Tansi finalement peu importe, c’est l’occasion de manier le verbe, de continuer à avancer, de chercher, de transmettre une certaine idée de l’homme de sa capacité à réfléchir et à vivre l’altérité. >BR>
C’est un hommage à Maryse Condé, prix Nobel alternatif de litterature 2018, qui toute sa vie n’a fait que ça. Je me suis souvenu qu’elle m’avait interviewé pour France Culture pour une émission sur la terre en Afrique le jour même de la sortie du premier tome de son best seller Ségou. Je n’en suis pas peu fier. Et puis il y a eut des rencontres et des rencontres, des gens que l’on retrouve d’autres que l’on découvre. Le soir Amadou Gaye seul en scène avec ses poèmes pour tout bagages, un éternel chapeau comme compagnon bouleverse la salle attentive et heureuse de cet éclat de vie sur le vide. Djéli Condé et Ba Cissoko nous livre une musique dense sans concession, kora, guitare, percussion : embarquement immédiat.
Je n’ai pas eu le temps d’assister le samedi soir au concert d’Afro blues de Tchale et de new Afrobeat/ Electro Hip Hop c’est sans doute, sûrement, dommages.
Pendant ce temps Catherine est en Haïti pour la signature de notre livre sur le Vaudou, je la rejoindrai le dimanche après-midi
Je m’aperçois une fois de plus que ces instants de partages, de rencontres, d’échanges, sont de formidables moments de luxe qui vous nourrissent la tête et les sens.
Bernard Desjeux
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