Les Sénégalais, fans de football, soutiennent avec ardeur leur équipe nationale, les Lions de la Teranga. La victoire, en poule, contre la France en 2002, championne du monde en titre, celle en Coupe d’Afrique des nations en 2022, au Cameroun, contre l’Egypte et acquise au bout du suspense, furent des jours de gloire célébrés par tout un peuple. Né à Gorée, premier Africain élu à la Chambre des députés, Blaise Diagne recruta les tirailleurs sénégalais en promettant une nationalité française, non obtenue... Ceci n’a pas grand-chose à voir avec le football, si ce n’est que son fils Raoul en fut un grand joueur : il marqua les premiers buts du Racing en championnat de France professionnel, fut membre de l’équipe de France avec laquelle il participa à la Coupe du monde 1938, puis deviendra entraîneur. Raoul Diagne fut le précurseur de tous les grands joueurs sénégalais qui jouent dans le monde. En voyant cette photo, je pense à tous ces jeunes qui rêvent d’être un jour à la place de ces champions d’aujourd’hui qui ont, eux aussi, tapé dans des boîtes de sardines, comme dans la chanson de Claude Nougaro. Des matchs ont lieu quotidiennement à travers tout le pays. Chaque ville, chaque quartier possède son terrain de foot, plus ou moins boueux, plus ou moins réglementaire, comme celui de Gorée au centre duquel trône un énorme baobab... Il fut décidé de le conserver, car « c’est un avantage lorsqu’on joue en extérieur » a dit un Goréen ! Dès qu’un espace est libre, vite un ballon, deux marques par terre en guise de but et c’est parti pour des matchs homériques. Si le terrain est un carrefour de la Médina, les voitures ralentissent pour ne pas stopper une attaque sur l’aile droite. Parfois, on se choisit le nom d’une équipe, c’est ainsi que j’ai assisté sur la plage de Saint-Louis au grand match Manchester contre Liverpool, avec de vrais maillots aux couleurs des champions. Les poteaux de but dans le sable étaient discrètement « protégés » par les marabouts de chaque équipe. Une plage, c’est en pente, alors peu importe si la ligne de touche est la mer, la remise en jeu se fera avec de l’eau jusqu’à la taille. En dehors de ces contextes particuliers, j’ai été frappé par la qualité des joueurs dribblant dans le sable. Il n’est pas étonnant qu’en jouant sur des terrains aussi difficiles, le Sénégal produise parmi les meilleurs joueurs du monde, membres de grands clubs européens. Le centre de formation ultramoderne Diambars, à Saly, a été créé en 2000 par Jimmy Adjovi-Boco, Saër Seck, Bernard Lama et Patrick Vieira : une porte d’entrée privilégiée pour une carrière footballistique à l’international.
Bernard Desjeux extrait du livre "Sénégal Instants d’années" Mars 2023 éditions Grandvaux
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