Bernard et Catherine Desjeux Journalistes - Reporters - Photographes
 
Sénégal, Les pêcheurs de Saint Louis
 
Les côtes du Sénégal sont, avec celle de Mauritanie, parmi les plus poissonneuses du monde. Avec la crise agricole et la baisse de revenus des phosphates, la pêche est devenu le premier secteur économique. Près de 600000 personnes en vivent, directement ou indirectement. Avec un chiffre d’affaires global d’environs 200 milliards de francs cfa, la pêche contribue à alléger le déficit de la balance commerciale. Son originalité tient à la présence, à côté du secteur industriel, d’une importante flotte artisanale : 120 000 pirogues partent chaque matin pour un ou plusieurs jours en mer. L’entreprise est parfois périlleuse : il faut d’abord franchir la barre, au risque de chavirer. Les moteurs ont depuis longtemps remplacé les voiles, les petites équipes, menées par un patron, ont souvent un caractère familial, organisées en GIE (groupement d’intérêt économique). Tout au long des 700km de littoral, à Saint-Louis, Kayar, Hann, Mbour, Joal, Kafountine ou Cap Skirring, elles assurent 80% de la production nationale. L’efficacité et l’amélioration des techniques de pêche, l’accroissement du nombre de bateau, les concessions faites à des chalutiers étrangers, combinés à la valorisation de la production après la dévaluation du franc cfa ont entraîné une hausse considérable des prises dont 80% sont destinés à l’exportation. La production est ainsi passée de 50000 tonnes en 1965 à 600000 en 2003, avec de grands risques de surexploitation. La ville de Saint-Louis-du-Sénégal fut créée par les Français en 1659 sur l’île de N’Dar, dans le delta du fleuve Sénégal. Par son histoire liée au commerce des esclaves, de l’ivoire, de la gomme arabique et de l’or, elle est un des plus anciens comptoirs d’Afrique de l’ouest. En 1789, les Saint-Louisiens envoient à l’Assemblée nationale française ”les très humbles doléances et remontrances des habitants du Sénégal au peuple français tenant les États généraux” puis, dès 1848 elle obtient le droit d’envoyer un député à l’Assemblée nationale. Lorsqu’à partir de 1854 le général Faidherbe devient gouverneur de la colonie, il mène plusieurs expéditions militaires notamment contre Al Hadj Umar dans la région du fleuve. Dès 1871, La France crée un statut particulier pour les habitants des quatre communes : Saint-Louis, Gorée, Dakar puis Rufisque. Ils “jouissent” de la citoyenneté française, élisent des conseils municipaux et un député. Ce privilège laissera des traces profondes. En 1895 est créée L’AOF, l’Afrique occidentale française, dont Saint-Louis est la capitale, vite détrônée en 1902 par la ville de Dakar dont le port, en eau profonde et à l’abri des vents, rend l’accès à la mer plus facile. Son histoire, très liée à la France, fera de Saint-Louis une ville métisse qui n’est pas sans rappeler, par son architecture, son climat, sa douceur de vivre, le quartier français de la Nouvelle-Orléans aux Etats-Unis. Pendant longtemps la ville, composée de plusieurs quartiers, s’endormit quelque peu. Mais elle connaît désormais un regain d’activité. Les quartiers des pêcheurs, N’Dar Tout et Guet N’Dar sont surpeuplés, l’activité pêche explose. Les départs et arrivées des pirogues, malgré une plage repoussante de saleté, est un spectacle prodigieux. Des équipages partent faire les campagnes de pêche, selon les saisons, en Mauritanie ou vers le sud à Joal, Mbour et même Kafountine en Casamance. Le quartier de Sor, à l’est, s’étend considérablement. C’est là que se trouvent la gare, les marchés, la gare routière, l’université Gaston Berger, du nom du philosophe saint-louisien, père du danseur Maurice Béjart. Quant à l’île proprement dite, elle est en plein renouveau, prête à accueillir la manne touristique et son cortège de plaisirs : les maisons anciennes sont restaurées, les petits restaurants, les commerces fleurissent, un effort d’information est entrepris par le syndicat d’initiative et l’équipe du CRDS (Centre de Recherches et de Documentation du Sénégal). Le festival de jazz, la fête des fanals, les promenades en calèches, la qualité d’accueil des hôtels, le Quai des arts, une salle de concert installée dans les anciens arsenaux, donnent à la ville un petit air de voyage permanent. L’on ne serait pas surpris de rencontrer, au coin d’une rue, Pierre Loti qui y séjourna et y écrivit Le roman d’un spahi, ou bien Battling Siki, figure de légende, devenu champion du monde de boxe en battant Georges Carpentier. Pour cette ambiance si particulière, à la fois intime et historique, la ville a servi de décor à plusieurs films, comme Coup de torchon de Bertand Tavernier, Les caprices du fleuve de Bernard Giraudeau ou Le capitaine des ténèbres de Serge Moati. Texte et photos Catherine et Bernard Desjeux
 
 
 

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