Bernard et Catherine Desjeux Journalistes - Reporters - Photographes
 
Mali : La grande traversée des troupeaux, Diafarabé
 

Traversée des bœufs à Diafarabé

Les animaux, gardés sur les riches pâturages du Sahel pendant la saison des pluies, reviennent à la décrue dans les plaines inondables du bassin inférieur du fleuve Niger.

La pérégrination des animaux entre le Sahel et le fleuve Niger classé au patrimoine mondial de l’humanité. L’espace culturel du yaaral et du degal correspond au vaste espace pastoral des peuls, du delta intérieur du fleuve Niger. Les deux noms désignent aussi les festivités qui marquent la traversée du fleuve, respectivement à Diafarabé et à Dialloubé, par les troupeaux de bovins qui pâturent tout au long de l’année entre les terres arides du Sahel et les plaines inondables du bassin intérieur du Niger.
Selon les traditionalistes du Macina, les célébrations du retour ont toujours lieu un samedi, jour de faste dans les croyances populaires peules. Ce samedi béni est déterminé, selon eux, en fonction de l’état des pâturages et de la décrue du fleuve. Ces fêtes donnent lieu à des manifestations comme le concours du plus beau troupeau. C’est également l’occasion pour les bergers de déclamer des poèmes pastoraux, relatant leurs aventures durant les longs mois de pérégrination à travers de lointaines contrées.
L’espace culturel du "Yaaral" et "Dégal" correspond au vaste espace pastoral des peuls du delta intérieur du Niger au Mali. Il comprend l’immense plaine alluviale d’environ 90.000 km2 s’étendant de Ké-Macina au sud, et Tombouctou au Nord, les Zones exondées du Sahel (Méma, Karéri, Farimaké) et la plaine de Séno au pied du plateau Dogon.

Le village est à la confluence du Diaka et du Niger, avec deux bacs (1500 FCFA la traversée). C’est une ville en terre qui semble immuable à sa proue : ruelles, murets, concessions traditionnelles, tout est en harmonie. Une belle mosquée en terre occupe le centre du bourg. Malheureusement, vers le marché central, la propreté se dégrade.
Chaque année aux alentours de début décembre , quand les pâturages sont épuisés, les bergers peuls conduisent leurs troupeaux en transhumance vers le sud du fleuve. La traversée des bœufs ** est un spectacle tellement inoubliable qu’il est classé depuis 2005 patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco avec son espace culturel du yaaral et du degal qui couvre l’aire de nomadisme. L’on raconte que c’est Sékou Amadou, roi peul du Macina - du clan des Bari -, qui institua cette grande traversée de tous les bœufs en 1818. Dès 7 h du matin les premiers troupeaux arrivent, salués par un griot, sur la large bande de sable découverte par la décrue du fleuve. Les bêtes seront bientôt plusieurs milliers à attendre le signal de départ. Traditionnellement, les premières à traverser appartiennent à la famille Cissé, la chefferie propriétaire de l’eau. Puis le deuxième troupeau est celui des Diallo, propriétaires coutumier du village de Diafarabé. Enfin, en troisième, passent les bêtes des Bari, chefs des Peuls à qui appartiennent les grandes bourgoutières (voir p.) du fleuve. Ensuite, sans ordre, tous les autres troupeaux se lancent à l’eau : pendant des heures, par groupes de cinquante à cent têtes, ils nagent dans des eaux de plus en plus boueuses. Au milieu, émerge la tête d’un berger qui chicotte ses bêtes, les pousse de l’avant dans l’espoir de n’en perdre aucune. Arrivés à Diafarabé, il leur faut encore escalader la berge escarpée, glissante. Les milliers de bêtes meuglent en même temps, en un concert assourdissant. Les familles traversent en pirogue, un homme attrape les cornes d’une vache en train de se noyer pour lui tenir la tête hors de l’eau. Tous les habitants de Diafarabé sont venus assister au spectacle. Après plusieurs mois passés au sud, les troupeaux reviendront, les jeunes bergers retrouveront leurs parents, fiers du travail difficile accompli.

texte et photos Catherine et Bernard Desjeux

 
 
  Traversée des bœufs à Diafarabé

Les animaux, gardés sur les riches pâturages du Sahel pendant la saison des pluies, reviennent à la décrue dans les plaines inondables du bassin inférieur du fleuve Niger.



© Bernard et Catherine Desjeux Journalistes - Reporters - Photographes
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