Bernard et Catherine Desjeux Journalistes - Reporters - Photographes
 
Togo, le sourire de l’Afrique
 

Togo : le sourire de l’Afrique

Nous revenons d’un voyage au Togo de 6 jours. Il s’agissait d’un éductour, c’est-à-dire un voyage destiné à montrer à des tours-opérators la faisabilité de programmer le Togo pour leur clients et à des journalistes de tourisme d’identifier quelques sujets. Ce fut très intéressant de participer à ce voyage car il nous a permis de mieux comprendre les motivations des professionnels du tourisme. Avec près de 40 ans de voyages, en tant que journalistes, auteurs de guides et de livres, éditeurs, consultants... (j’en passe et des meilleurs !) cela nous conduit à quelques réflexions que nous vous livrons :

Il apparaît que le tourisme est la meilleure et la pire des choses : cela découle directement du « rapport à l’autre ».

La meilleure des choses : Les exemples sont légions dans le monde de rencontres fructueuses à « hauteur d’homme ». Le tourisme peut être vecteur d’échanges et de compréhensions réciproques : c’est le « donner et le recevoir » du président sénégalais Senghor. Le bon accord celui qui enrichit tout le monde dans tous les domaines : économique, culturel...

La pire des choses : lorsqu’on est dans une logique de consommation, c’est-à-dire de frustration permanente. « On fait le Togo » comme une case que l’on complète dans le catalogue des voyages. Le touriste vient alors rechercher ce qu’il a laissé en partant, part à la recherche d’un exotique qui rassure, donne sa petite pièce « pour du savon » ou distribue des bics à la volée mais n’hésite pas à marchander pour quelques francs un beau collier. Il « prend » des photos comme autant de trophées qui le valoriseront au retour lors d’interminables séances de projection et le Togo doit être conforme au miroir qu’on lui tend : Il y a forcément des sorciers, des comportements bizarres, de la corruption, un manque d’organisation, des bons sauvages, un peu de morale (comment vont-ils faire sans nous ?), des routes défoncées et quelques animaux sauvages qui ont le toupet de se cacher derrière un arbre lorsqu’on veut les « shooter »... Sans parler du traditionnel « qu’est ce qu’il fait chaud ! » Ce tourisme est dévalorisant pour tout le monde et rappelle des comportements d’un autre âge. Il fait plus de mal que de bien.

Quelques exemples :

Dans ce voyage, nous avons eu la grande chance de voyager avec des journalistes togolais. Le premier jour, il y avait les Européens d’un côté qui évoquaient entre professionnels leurs nombreux voyages et de l’autre les Togolais qui mangeaient la tête dans leur assiette. C’est un grand classique : en Europe on cause à table, en Afrique on mange. J’ai été partager les repas suivants avec nos confrères et j’ai découvert avec joie peu à peu des personnalités diverses, chacune étant un peu du Togo que je venais rencontrer. Les jours suivants, ce mélange s’est opéré pour le plus grand bonheur de tout le monde. À chaque repas, avec Catherine, nous nous mettions systématiquement à côté de Togolais. Ce qui m’a permis, entre autres, de retrouver un camarade de fac à Paris : nous avions joué dans la même équipe de foot universitaire et fait un bout de film ensemble à l’époque ! Pour nous, notre chance est d’avoir pu en quelques jours rencontrer même brièvement une foule de personnes, depuis le Premier ministre, le ministre du Tourisme, le président de la Chambre de commerce et des vendeurs sur le marché. Notre guide Kiki s’est par ailleurs mis en quatre pour nous faire découvrir et comprendre son pays. Au retour, quel plaisir de recevoir tous ces mails de sympathie.

Autre exemple : le site des Ewé à Notsé. De prime abord, il n’a aucun intérêt si l’objectif est d’avoir une quelconque excitation visuelle : c’est vrai ce n’est pas Disneyland et c’est tant mieux. Par contre, pour celui qui s’intéresse à l’histoire du Togo, du groupe Adja (fon mina éwé), à l’architecture, à l’occupation spatiale, à la brousse qui entoure, au mythe d’Adjahuto - né de l’union avec la panthère agassou qui lança sa lance à partir de Tado vers l’est jusqu’à Allada et fut l’ancêtre des royaumes d’Abomey et de Porto-Novo-, cela devient passionnant. On a envie d’en savoir plus et la moindre termitière devient une page d’histoire. C’est aussi l’occasion de compléter, comprendre, rectifier ce que l’on croit savoir, c’est une leçon de modestie. La photographie devient moyen d’expression, un outil de partage et d’information. Plutôt que « prendre », il y a le désir de « restituer ».

L’accueil : c’est une des grandes forces, à notre sens, du Togo. Il est naturel et culturel. Exemple : l’hôtel du Lac est non seulement impeccable dans la qualité des prestations, agréable par son site mais aussi par la qualité de l’accueil.

Le spectacle « folklorique » : soit il est vu comme un ersatz acculturé soit comme une expression à part entière : on passe du cultuel au domaine culturel. Il est clair que la part spectacle est très importante dans la religion et que le sacré n’est pas tout à fait absent du culturel. L’exotisme commence lorsqu’il y a caricature et fabrication artificielle. Exemple : La danse des zangbéto n’a aucun sens dans une logique cultuelle : le fantôme de la nuit ne tourbillonne pas à midi en plein soleil, c’est une sorte de gardien nocturne d’origine yorouba. Par contre la danse à laquelle nous avons assisté peut se comparer aux danses dogon effectuées à la demande. C’est un beau spectacle culturel en soi avec des séances de prestidigitation, l’occasion d’approcher les anciens du village, d’entendre une musique authentique dans la joie et la bonne humeur. Et un tel spectacle a toute sa place dans une visite, de même que les danses kabyé de Kara et l’extraordinaire et envoûtante musique des pierres.

L’offre et la demande sont les deux faces d’une même pièce : il ne faut pas que le touriste se trompe de voyage. C’est une évidence, le tourisme balnéaire n’est pas le tourisme de découverte. Mais au-delà il y a plusieurs façons de découvrir, il y a un état d’esprit. Par exemple, au Niger, Agharous voyages était le réceptif de deux tour-opérators : en gros tous les touristes de Croqu’Nature étaient contents, ceux d’Atalante mécontents. Les premiers, associatifs, venaient rencontrer le pays et n’étaient pas très regardants sur le niveau de confort, les deuxièmes venaient plus rechercher des cartes postales et se plaignaient tous le temps des moindre détails d’organisation.

La mendicité et le harcèlement : Ils existent très peu au Togo et c’est bien agréable, mais pour éviter qu’ils ne se développent dans les lieux qui seront très visités il faut que l’activité touristique ait des répercussions économiques sur les populations : c’est tout d’abord une question de dignité humaine, ce n’est surtout pas une histoire de chicotte ou de barrières. Les exemples sont légions : au Sénégal, à Joal-Fadiouth, les guides se sont regroupés, le marché a mis des prix fixes ; au Mali, à Kalabougou, ce village de potières à côté de Ségou s’est organisé en coopérative. Nous nous y sommes rendus lors du Festival sur le Niger avec une cinquantaine de touristes ordinaires, l’accès se faisant en pirogue, donc groupés. L’entrée du village est payante (500F CFA), la somme récoltée est répartie entre les familles du village. Chacun peut visiter les ateliers dans la joie et la bonne humeur, prendre des photos, discuter. En Casamance (Sénégal), nous avons assisté dans les années 70 au début des campements villageois initiés par Christian Saglio et Adama Goudabi. Le « et » se trouve une des conditions de la réussite. À Sokone, dans le Sine Saloum (Sénégal), lorsqu’un groupe en VTT arrive au campement Le Caïman d’Issa Baro, l’orchestre du village vient « taper »... Il est vite rejoint par les villageois qui le veulent : cela fait une soirée formidable. Je pourrais continuer longtemps à énumérer des exemples qui marchent. Le Festival au désert, par exemple, regroupe jusqu’à 1000 visiteurs au milieu de 10 000 Touaregs chaque année à côté de Tombouctou (Mali).

À notre avis, tout en conservant évidemment le tourisme d’affaire, le tourisme de séminaires, de réunions internationales, peuvent être favorisés les voyages à thèmes qui permettent de cibler des groupes homogènes avec un intérêt commun : exemples l’environnement - celui de Kpalimé est sans doute un des plus beaux d’Afrique de l’Ouest -, des stages de musique, d’artisanat de qualité (voir par exemple le Ndomo à Ségou, pour le bogolan), des festivals, l’agriculture et l’économie et, d’une façon générale, la réalité quotidienne contemporaine. En Europe se posent de nombreuses questions sur l’Afrique, dont la vision est souvent réduite aux guerres, à la famine, aux bons sauvages... Envisager ces voyages non pas comme des visites mais comme des rencontres. Il n’y avait qu’à voir les mines réjouies et écouter le niveau sonore des repas où nous étions invités pour comprendre que le courant était là. Cela passe évidemment par l’information, j’écris « évidemment » puisque c’est notre métier...

Nous avons été très heureux de retrouver ce pays que nous avions beaucoup fréquenté. Je l’avais parcouru en partie dans ma jeunesse en moto et Catherine était étudiante à Lomé, tout en habitant à Cotonou. Des marques au fer chaud !

Merci à tous À la revoyure.

Bernard et Catherine Desjeux

 
  quelques notes autour d’un eductour
 

© Bernard et Catherine Desjeux Journalistes - Reporters - Photographes
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